"À Toute Allure"

France Inter, Feb'01

Interview Brian Molko en rapport avec la couverture des Inrocks (rencontre Brian Molko et Xavier Delcourt).

Le 22/02/2001

Chez Gérard Lefort et Marie Colmant, France Inter.

Emission À toute allure.


Gérard Lefort : Bonsoir à tous et bienvenue à bord de A toute allure, le magazine d'une actualité qu'on espère chaque soir différente et pas pareil. Ce soir elle sera musicalement différente et pas pareil, puisque nous recevons Brian Molko. Brian Molko, ceux qui l'ignoreraient encore, c'est le chanteur-leader-inspirateur de Placebo.

Bienvenue Brian Molko et merci d'être venu nous rejoindre ce soir.


Brian Molko : Merci, c'est un plaisir.


Gérard Lefort : Oui et vous nous faites le plaisir en plus de parler parfaitement français, ce qui est un plaisir supplémentaire.


Brian Molko : Parfaitement je sais pas, mais je fais de mon mieux.


Gérard Lefort : Oui. Marie, Marie Colmant, qui aura-t-il d'autre ?


Marie Colmant : …. (sommaire de l'émission, de ce qui se déroulera après le départ de Brian Molko).


[Diffusion de Black Eyed.]


Gérard Lefort : Extrait de BMM, le dernier album de Placebo c'était Black Eyed. Et ça tombe bien puisque ce soir c'est Brian Molko qui est notre invité.

Bonsoir, Re-bonsoir Brian Molko, et re-merci de nous avoir rejoint ce soir. Vous n'allez pas échapper à la tradition de cette émission, c'est la petite fiche pratique et cuisine vous concernant. Peut-être que je vais vous apprendre quelque chose puisque le question c'est " mais qui est donc Brian Molko ? ".

Nouvelle icône internationale de la scène musicale, Brian Molko vous inscrivez votre nom dans une lignée d'artistes comme Iggy Pop, Lou Reed, ou encore évidemment David Bowie. Entretenant une fragile confusion des genres mêlant tout à la fois le punk, le glam et le rock. Mais ça on va en parler plus tard. Après une enfance passée au Luxembourg vous vous êtes installé à Londres à l'âge de 17 ans, vous avez suivi des études d'art dramatique au Goldsmith College. Londres qui fut d'ailleurs et surtout le berceau de Placebo, groupe dont vous êtes aujourd'hui le leader aux côtés de Steve Hewitt et Stefan Olsdal. Le premier album est enregistré à Dublin au printemps 1996, il devient rapidement disque d'or en Angleterre, succès qui vous ouvre les portes du Madison Square Garden de New-York en janvier 1997, vous jouez à l'occasion du 50ième anniversaire de David Bowie. En octobre 1998 vous sortez un deuxième album intitulé Without You I'm Nothing, vendu à ce jour à plus d'1 million d'exemplaires à travers le Monde, et provoquant l'unanimité élogieuse de la presse française et britannique. Ce soir donc nous sommes particulièrement heureux de vous recevoir parmi nous à l'occasion d'un album qui est sorti déjà y'a quelques semaines intitulé Black Market Music et disponible chez Delabel.

Enfin notons que vous serez en concert en France dans les prochaines semaines, le 20 mars et le 21 mars à Paris au Zenith, il ne reste des places que pour la deuxième date, le 20 c'est déjà complet, donc si vous voulez aller écouter Placebo et Brian Molko c'est le 21. Le 28 mars à Marseille, le 12 avril à Lille et le 17 avril à Bourges.

Euh, Brian Molko, est-ce qu'un groupe de rock comme Placebo qui a une image très forte peut ou doit tenir compte de la mode ? J'veux dire est-ce que cette image elle est là pour accentuer la musique que vous faites, pour la déformer, l'exagérer, pour mieux faire passer ce que vous avez envie de dire ?


Brian Molko : Moi j'ai toujours trouvé que, j'ai toujours été attiré par des groupes ou des artistes qui avaient des images fortes. Et c'est nécessaire si on a une image forte d'avoir la musique qui est aussi forte, aussi sophistiquée et aussi complexe pour la soutenir, sinon on devient quelque chose comme Nelly Venelli. Euhm, on devient un triomphe de style au dessus de la substance. Euhm, alors l'idée d'avoir, d'être dans un groupe rock qui donne tout, qui donne une image forte, la musique forte, de l'intelligence, une philosophie et de la passion, c'était je suppose l'idée quand on a commencé.


Marie Colmant : Mais est-ce qu'on pourrait dire aussi que au contraire cette histoire d'image ça correspond à quelque chose de, disons, de plus fondamental, quelque chose que vous portiez en vous disons depuis l'adolescence ?


Brian Molko : Je suppose. J'ai toujours été attiré par la scène, depuis l'âge de 11 ans, j'ai commencé à faire des pièces à l'écoles et je faisais partie d'un groupe d'art dramatique amateur au Luxembourg. Et euhm, alors je pensais toujours que je serais quelques part sur scène.

Euhm… L'autre question c'était quoi encore ? (rires)


Marie Colmant : C'est que aussi à l'adolescence est-ce que vous aviez déjà ce souci de l'image très fort ? Est-ce que l'image forte de Placebo ça correspond aussi à vous ?


Brian Molko : Oui oui, c'est vrai. Ouais je pense. On a toujours été attiré par la mode mais, il nous fallait peut-être 4 ou 5 ans pour avoir assez de fric pour acheter des belles fringues.


Gérard Lefort : Brian Molko, vous êtes américain, qu'est-ce que vous foutiez au Luxembourg quand vous étiez petit ?


Brian Molko : Euhm, bonne question. Je suis un américain qui n'a jamais vécu aux États-Unis. Mon père est français et italien, ma mère est écossaise. Ils se sont rencontrés dans les années 60 à New Je suis un américain qui n'a jamais vécu aux États-Unis. Mon père est français et italien, ma mère est écossaise. Ils se sont rencontrés dans les années 60 à New York. Ils se sont mariés, ils ont eu mon frère là-bas, et puis 10 ans plus tard quand le latex s'est cassé euh, voilà, j'ai apparu. (rires)


Gérard Lefort : Vous êtes un accident de latex ?


Brian Molko : Euh, oui je pense, ouais. Et mon père était, est encore banquier. Alors on s'est retrouvé au Luxembourg. J'ai passé un p'tit peu de temps au Liban et en Libérie en Afrique. Euhm, et euh c'est parce que je suivait mon père partout dans les endroits où, c'était où y'avait plein de banques. Et le Luxembourg y'a que des banques, c'est tout. (rires)


Gérard Lefort : Mais ça vous plaisait étant petit garçon cette vie comme ça de déplacements, de voyages… ?


Brian Molko : Je pense que ça m'a préparé un p'tit peu pour la tournée. Pour cette idée de troupe de cirque qui voyage partout. Euhm, et avec les mêmes gens qui font un spectacle.


Gérard Lefort : Mais est-ce que ça vous paraissait pas bizarre étant petit garçon, est-ce qu'on disait dans votre famille que vous étiez américain, que vous étiez une famille américaine et vous vous connaissiez pas ce pays l'Amérique ?


Brian Molko : J'ai jamais senti patriotique, et j'ai pas de sentiment " nationalistic ". Euhm, ben et on se sent comme un groupe, Placebo se sent pas comme un groupe britannique. Euh, y'a un mec de Manchester, un mec de la Suède et un mec qui sait pas vraiment d'où il vient (rires). Alors je pense que on se considère plus comme un groupe européen. Et la chose qui a été positive avec le Luxembourg c'est que y'a une communauté très internationale, à cause du Parlement, etc… alors j'ai grandi avec plein de potes qui étaient de plein de nationalités différentes. Alors je pense que à un très jeune âge ça m'a ouvert à des cultures différentes, à des traditions différentes et ça m'a beaucoup appris, et ça apprend la tolérance, et la compréhension des autres, et je trouve que c'est très important.


Gérard Lefort : Mais c'est pas très très ennuyeux le Luxembourg ?


Brian Molko : Y'a pas grand chose à faire. C'est un p'tit peu. Mais le Luxembourg c'est un endroit étrange parce que c'est un p'tit peu comme la série télé de David Lynch " Twin Peaks ". euhm, parce que c'est. Vraiment c'est comme ça parce que. Et sur la surface on pense vraiment que y'a rien qui se passe, et puis quand on va en dessous de la surface (sifflement). (Rires) Y'a des folies, vraiment des folies.


Gérard Lefort : Mais y'a des meurtres comme dans Twin Peaks vous pensez, y'a Laura Palmer, vous pensez au Luxembourg ?


Brian Molko : Oui. Oui bien sûr. Y'en a eu…


Marie Colmant : Y'a des femmes à la bûche ?


Brian Molko : Y'en a plusieurs.


(Rire général)


Gérard Lefort : Vous parliez de David Lynch, vous l'avez souvent cité dans des entretiens David Lynch. Est-ce que ça vous a servi les films de David Lynch, 'fin vous parliez de la série télé Twin Peaks, euh justement a forgé votre image ou est-ce que vous avez pensé qu'en voyant les films de David Lynch c'est comme si vous rencontriez des amis ?


Brian Molko : Euhm, j'ai trouvé son surréalisme, son coté surréaliste fascinant, et le fait qu'il explorait la culture américaine et tout ce qui était un p'tit peu étrange avec la culture américaine parce que l'Amérique elle projète une image de respectabilité et de liberté et euh, et de force. Et en fait c'est assez chaotique ce qui se passe là-bas, euhm et , alors je trouve que son point de vue sur les États-Unis c'était quelque chose de très profond.


Marie Colmant : Mais y'a quelque chose de plus aussi dans le cinéma de David Lynch qu'on retrouve dans votre musique. Y'a une sorte, vous avez dit le chaos, moi je dirais peut-être l'excès. Mais un excès très contrôlé.


Brian Molko : Mm. C'est important de contrôler l'excès. C'est très important.


Gérard Lefort : Alors justement, dans le dernier album, dans Black Market Music… Au fait pourquoi ça s'appelle Black Market Music ? (Musique de contrebande ou de marché noir).


Brian Molko : Mm. Pour deux raisons. Pour créer l'idée du mystère, euh que ça serait peut-être de la musique qui serait interdite. Euh, quelque chose qu'il faudrait acheter dans un, sous le comptoir. Mais c'était aussi pour, on savait très très bien qu'avant l'album allait sortir officiellement qu'il serait déjà sur le marché noir. Alors c'était un p'tit peu un clin d'œil de ce qui se passe en ce moment avec la musique sur Internet.


Gérard Lefort : Mm. Qu'est-ce que vous en pensez de ces histoires de piratage, de musique mise à disposition comme ça gratuite… ?


Brian Molko : Ben pour moi c'est assez simple. Nous ne sommes pas tous Metallica, nous ne sommes pas tous Céline Dion.


Gérard Lefort : Heureusement


Brian Molko : Heureusement oui. Euh, alors tous les musiciens n'ont pas des milliers et des milliers et des milliers de dollars dans la banque. Et y'a beaucoup de gens qui dépendent de leur musique pour avoir un toit et pour avoir quelque chose à manger le soir. Et si vous voulez pas supporter, euh, pas, pas supporter, si vous voulez pas aider vos groupe préférés en achetant leur musique, vos groupes préférés ne pourront plus vivre de leur musique, alors il pourront plus faire de la musique.


Gérard Lefort : Alors dans Black Market Music, on va parler de deux chansons parce qu'on a l'impression qu'elles sont reliées par des tunnels étranges. Euh c'est Special K où vous décrivez les effets des cette drogue, le Special K est une drogue ; et puis y'a une autre chanson qui s'appelle Commercial for Levi. Euh où là au contraire, vous vous adressez à qui, peut-être vous vous adressez à vous même, et vous répétez " ne meurs pas, s'il te plait ne meurs pas ".


Brian Molko : Mm


Gérard Lefort : Est-ce que vous vouliez qu'il y ait ça, qu'il y ait cette dualité-là, c'est à dire d'une part, pas du tout une éloge d'une drogue, mais une description des effets de cette drogue le Special K, et puis comme une re-descente de drogue, où d'un seul coup on a l'impression que vous redescendez sur terre, on a l'impression que d'un seul coup, et c'est nouveau, en tout cas avec Placebo, que vous avez un propos politique.


Brian Molko : C'est vrai. Euhm. Cet album c'est notre album le plus politique. Sur Without You I'm Nothing y'avait une chanson qui s'appelait Allergic qui était notre première chanson politique avec un gros P, avant on était concerné vraiment avec la politique sexuelle, plutôt que la plus grande politique. Euhm, euhm, euh... Special K n'est pas une chanson qui parle de la drogue. C'est vraiment une chanson d'amour. Ça compare l'effet de montée, quand on monte sur des substances contrôlées, ça compare cet effet-là à le coup de foudre. Mais le moral de l'histoire c'est que tout ce qui monte doit redescendre. Mais avec Commercial for Levi c'est dirigé vers moi. Y'avait des moments dans ma vie où j'ai fait des choix de lifestyle assez mauvaise, et y'avait des amis proches qui m'ont dit " écoute, écoutes, t'es mon pote, je t'aime et si tu continue à faire ce que tu fais là, tu vas pas être sur cette Terre pour beaucoup plus de temps, pour très longtemps. Et alors, euhm, je trouve c'est très important d'avoir des amis comme ça, et particulièrement quand on devient une, un personnage public, c'est très important de garder les amis qui était vos amis avant que vous êtes devenu cette, cette CHOSE, euhm cette chose qu'on peut acheter. (rires)


Marie Colmant : Et cette chanson elle peut être prise aussi comme si vous vous adressiez aux gens qui vous écoutent et qui serait aussi éventuellement des amis d'écoute. ?


Brian Molko : Mmmm. Exactement. C'est, prenez soin de vous. C'est ça le truc. Commercial for Levi n'est pas une chanson anti-drogues, ce n'est pas une chanson pro-drogues non plus. Je dirais que c'est une chanson pro-modération.


Gérard Lefort : Est-ce que vous avez pas envie Brian Molko, y'a un poète français qui a dit : " l'idéal c'est de produire ou de reproduire les effets de la drogue mais sans se droguer " ?


Brian Molko : Ça serait bien, mais je pense, la chose qui pour moi qui est plus comme une drogue c'est être sur scène. Vraiment. Des fois c'est mieux que le sexe.


Gérard Lefort : (Rires). Est-ce que dans euh… Pourquoi vous appelez ça Commercial for Levi ? Qui est Levi ?


Brian Molko : Levi c'est notre ingénieur de son.


Gérard Lefort : Ah bon. Ça n'a rien à voir avec la publicité pour la célèbre marque de blue-jeans.


Brian Molko : Non non non. C'est qu'un p'tit jeu de mots.


Gérard Lefort : Donc c'est une petite publicité pour quelqu'un que vous connaissez ?


Brian Molko : Ouais, pour un ami.


Gérard Lefort : On va l'écouter si vous voulez bien.


[Diffusion de Commercial for Levi.]


Gérard Lefort : C'était Commercial for Levi de Placebo avec Brian Molko. Ça tombe bien puisqu'il est là Brian Molko ce soir.

Euh, Brian Molko y'a une autre chanson qui s'appelle Blue American.


Brian Molko : Mm mm.


Gérard Lefort : Ça aurait pu être Blues American. C'est une chanson, c'est peut-être la chanson la plus noire, la plus mélancolique.


Brian Molko : C'est vrai.


Gérard Lefort : En tous cas la, elle est triste cette chanson. Euh, c'est ça l'Amérique pour vous à la fois politiquement et peut-être même musicalement, cette, ce Blue American ?


Brian Molko : Ben, Blue American c'est aussi un jeu de mots. C'est le nom " street " pour le Viagra et pour le Valium, aussi. Et euhm, mais j'ai écrit cette chanson pendant une période où je me sentais pas très très, j'étais assez dépressif quand c'est sorti. Euhm des fois les chansons elles sortent comme ça, c'est comme si tu vomis une chansons un p'tit peu, presque. Et euhm, cette personne dans la chanson, la personne qui habite dans cette chanson, euhm, a un dégoût pour tout ce qui est sa culture : le fait que l'Amérique a pu être responsable pour l'esclavage, euhm, le fait que euh, ses parents l'ont endoctriné avec la religion. Alors c'est quelqu'un qui donne des coups de poings à sa culture. Et en effet je pense que la personne qui habite dans cette chanson est dégoûtée avec l'humanité, et a honte d'être un être humain parce que les êtres humains se sont la seule " species" ?


Marie Colmant : Espèce.


Brian Molko : Espèce sur cette Terre qui tout ce qu'elle touche devienne de l'ordure. Et euh, je trouve intéressant avec la théorie d'Evolution de Darwin que les, tous les autres espèces s'adaptent à leur environnement, et les êtres humains sont les seuls qui ont adaptés leur environnement à eux. C'est, on est l'espèce le plus égoïste qui vit sur cette Terre, sur cette Planète. Et en plus je pense depuis que cette interview a commencé il doit y avoir au moins 2 ou 3 espèces qui n'existent plus.


Marie Colmant : Mais Blue American c'est ça l'Amérique pour vous ?


Brian Molko : Ben, un p'tit peu. L'Amérique c'est un très grand pays. Euhm, alors, y'a beaucoup d'endroits qui sont très très différents. Moi j'ai toujours dit que la Californie c'est un pays, New York c'est un pays, et puis le reste c'est l'Amérique.


Gérard Lefort : Mm. Mais ça vous arrive à vous comme dans Blue American de vous donner des coups de poings ? Euh, métaphoriquement j'espère.


Brian Molko : Oui, bien sûr. Je suis mon, le critique le plus pire. " I'm my worst critic ". Euhm, et alors. Pas seulement quand on parle de l'art ou de la créativité. Je pense que dans la vie on n'arrête jamais d'apprendre, et j'essaie seulement d'apprendre par les expériences que j'ai de devenir une meilleure personne. Et de faire le moins mal possible aux autres. Ce qui est drôle avec la vie c'est que c'est presque impossible de vivre sans faire du mal aux autres. Mais je pense que c'est Socrate, le philosophe grec, qui a dit " know yourself and do no evil ". "Connais toi-même et ne fais pas de mal". Et c'est quelque chose qui, j'ai appris ça à l'école et c'est quelque chose qui est resté avec moi et j'essaie de plus en plus de devenir quelqu'un de meilleur.


Gérard Lefort : Alors Brian Molko vous savez qu'autour de vous et autour de Placebo il y a une véritable dévotion. C'est comme ça. Une dévotion autour de vous en personne, autour des deux autres membres du groupe. Euh, on va vous faire écouter un extrait d'un bobino, un enregistrement. C'est un jeune homme qui parle, ben qui parle de vous. Ecoutez-le.


Message du jeune homme : Juste le fait de savoir qu'il existe ce mec sur Terre, moi ça me comble. Ça me rend, mais, follement heureux quoi. En fait, moi j'suis pas du genre à aller chez lui à 3h du mat' pour avoir un autographe. Moi j'respecte les gens. Mais si je le rencontrai un jour j'lui dirais ben, " j'suis content que t'existe " quoi. Juste ça. Mais vraiment, c'est dur à expliquer comment ce mec il m'a permis de me décomplexer. En fait, y'a Jean-Louis Murat qui a une belle formule qui disait qu'il se sentait mec à 51%, fille à 49% et humain à 100%. J'trouve ça très très beau. "


Gérard Lefort : Voilà c'était dans l'émission de France Inter de Brigitte Quernelle qui s'appelle


Brian Molko : (très pressé de savoir) c'est qui ?


Gérard Lefort : Alors le garçon il s'appelle Aktar. Voilà c'est un garçon d'origine mauricienne, de l'ïle Maurice. Euh voilà comment il parle de vous. Quel effet ça vous fait comme ça ?


Brian Molko : Euhm…


Gérard Lefort : Est-ce que vous vous sentez responsable de quoi que ce soit ?


Brian Molko : Ben je suis très flatté parce que vous savez quand je me lève le matin et je me regarde dans le miroir j'suis toujours le même con que j'étais toujours (rires), avant que Placebo ait autant de succès. Euhm, ouais, avoir cet effet sur les gens je trouve que c'est assez étrange et je trouve que c'est important dans soi d'avoir une petite distance avec ça sinon on commence à croire à son mythe et sa tête, et ma tête pourrait disparaître dans mon cul très très vite. (rires). Et puis notre musique ne serait plus une bonne musique et, mais c'est quelque chose, ce genre d'admiration c'est quelque chose que j'essaie de garder à distance de mon âme, sinon les choses peuvent péter un p'tit peu je pense.


Marie Colmant : Est-ce que vous avez pas l'impression Brian Molko que cette dévotion aussi elle est peut-être due au fait que contrairement aux apparences, Placebo et vous c'est un groupe qui n'avance pas masqué justement, qui dit, qui est d'une grande honnêteté ?


Brian Molko : Exactement, on est très honnête. C'est souvent pour ça qu'on a eu beaucoup de problèmes avec la presse anglaise parce que c'est impossible pour nous de ne pas être honnêtes, de pas dire ce qu'on pense, de pas dire ce qu'on a dans le cœur. Euhm, j'aime pas mentir et alors, c'est presque pathological, pathologique pour moi. Comme quand on me pose une question c'est impossible pour moi vraiment de cacher mes vrais sentiments. Je pense que notre musique elle est plein d'honnêteté, elle est aussi plein de passion. Euhm, je pense que c'est une musique qui va directement au cœur. Je pense que quand vous essayer de faire de la musique qui est universelle, on se tire une balle un p'tit peu dans le pied, parce que ce qui ce passe, c'est comme Oasis, on tombe dans l'univers du cliché. Je pense que c'est important d'écrire des chansons qui sont les plus personnelles possibles et puisque nous sommes tous fait des mêmes émotions, le fait que ça soit aussi personnel fait que ça soit universel.


Gérard Lefort : Alors dans Black Eyed qu'on a entendu au début de l'émission y'a un mot qui revient tout le temps c'est " borderline ". Alors Borderline c'est un peu dur à traduire en français, ça veut dire frontalier, entre deux eaux, entre deux choses, entre deux sentiments, entre deux genres, entres deux drogues, entre deux sexes, je sais pas. Mais on a l'impression que…


Brian Molko : C'est aussi Madonna, hein. (rires)


Gérard Lefort : Ah bon ? (rires)


Brian Molko : C'est aussi une chanson de Madonna.


Gérard Lefort : (rires). D'accord, oui. On a l'impression que vous dites ça, " oui on est borderline, je suis borderline, je suis entre deux voire plusieurs choses ", mais on a l'impression que vous tenez pas du tout à en faire un héroïsme.


Brian Molko : Non. C'est seulement qui je suis. Y'a beaucoup qui a été écrit sur, sur, sur beaucoup d'aspect du groupe, nos sexualités, nos, notre récré, ce qu'on fait quand on bosse pas, euhm, ça fascine les gens. Et ça me rend un p'tit peu confus des fois parce que je pense que euhm, certains journalistes doivent avoir des vies aussi vides qu'ils soient si fascinés avec la vie des autres. Et ces jours-ci, tu peux même pas péter en public avant que ça soit sur Internet une demi-heure plus tard. (rires de Gérard Lefort). Alors on vit vraiment dans une culture étrange. Euhm, voilà.


Marie Colmant : Alors vous dites que c'est un album plus politique. Donc vous avez, vous revendiquez la liberté d'être ce que vous avez envie d'être, ce que vous êtes fondamentalement. Euh, vous dites aussi que parmi vos model, bon, d'accord y'a David Bowie, on en a parlé, mais vous parlez aussi souvent de Michael Stipe ou aussi de Bono.


Brian Molko : Mm mm.


Marie Colmant : Alors j'ai envie de vous demandez quelle va être la prochaine étape de Placebo parce que Bono il a affirmé ce qu'il était et puis après il a fait monté Salman Rushdie sur scène par exemple, qui était aussi un geste très politique. ?


Brian Molko : Oui, lui, oui, il était le visage pour de Jubilee 2000 pour Drope the debt.


Marie Colmant : Pour effacer la dette mondiale.


Brian Molko : Mm. Alors euh. Ben j'ai beaucoup de respect pour Bono, beaucoup de respect pour Thom Yorke de Radiohead parce qu'ils utilisent leur position de rock star hyper célèbre pour essayer de changer le monde un p'tit peu. Et ce que je dis n'est pas un truc hippie, c'est seulement, c'est ça la responsabilité je pense, euhm, quand on est financièrement confortable euhm, et quand on a du succès, je trouve qu'il est temps de remettre quelque chose, to give something back.


Marie Colmant : De renvoyer l'ascenseur.


Brian Molko : Essentiellement, oui. Et euhm, alors je sais pas. on m'a dit pendant une interview en Allemagne, je viens de l'Allemagne, on m'a dit que un jour je devrais devenir politicien. (rires). Alors je sais pas.


Gérard Lefort : Ça vous fait rire.


Brian Molko : Ouais / Et oui ça me fait rire parce que j'ai toujours pensé que les gens qui veulent être politicien sont les gens qui sont, qui devraient pas être politicien ; et tous les gens qui veulent, veulent pas être politicien devraient l'être.

Et moi je veux pas être politicien. Alors on verra. (rires).


Gérard Lefort : Brian Molko, si on vous dit que vous vous êtes une rock star, quel effet ça vous fait, ça vous fait rire ?


Brian Molko : Oui, ça me fait rire.


Gérard Lefort : Apparemment oui.

Brian Molko vous nous avez amené un disque.


Brian Molko : Ah oui, ah oui…


Gérard Lefort : On va l'écouter, et puis on en parle après. OK ?


Brian Molko : OK.


[Diffusion du début d'une chanson.]


Gérard Lefort : Ah, alors on a une petite erreur, c'est pas ce titre.


Brian Molko : Non, non, c'est la première.


Gérard Lefort : La première du disque, s'il vous plaît amis de la technique.


Brian Molko : (Rires). Elle est encore, m, elle, ouais.


[Diffusion de la bonne chanson.]


Gérard Lefort : Qu'est-ce que c'était que ça Brian Molko ? (rires de Brian). Alors vous nous l'avez amené, vous avez découvert ça y'a quelques jours, hein ?


Brian Molko : Quelques jours oui en Allemagne. On m'a donné ce disque, et puis on me l'a piqué en Espagne, alors quelqu'un de Delabel a dû aller l'acheter pour moi pour que je puisse le jouer pour vous aujourd'hui. euhm, c'est Peaches. Elle s'appelle Peaches, c'est une petite américaine qui vit à Berlin. Elle travaille beaucoup avec un mec qui s'appelle Gonzales qui aussi, qui vient de Brooklyn qui aussi vit à Berlin. Euhm, ils ont un petit label qui s'appelle Kitimo. Et Gonzales il a sorti un album récemment qui s'appelle Gonzales über alles. (rires de Marie Colmant), et c'est vraiment, c'est un très bon album. Et j'me souviens quand les Spice Girls ont, les début de la carrière des Spice Girls, et puis y'avait tout ce truc Girl Power, oui, et moi j'ai toujours été attiré par des femmes dans la musique, des femmes fortes. Euhm, quand j'étais jeune j'étais assez obsédé avec Janis Joplin, j'ai toujours adoré Kim Deal des Pixies, Kim Gordon de Sonic Youth, et puis PJ Harvey c'était une grande découverte et une très très grande influence sur moi. et cette musique-là elle est assez vulgaire, mais elle est assez sexy aussi parce que c'est, y'a beaucoup de pouvoir. Je trouve que y'a plus de couilles dans cette chanson-là que la majorité de chansons par les mecs comme Limp Bizkit et beaucoup de rappeur américains qui parlent de frics, les Beaches and hose, et tout ça tout le temps. Alors moi j'ai trouvé ça incroyablement rafraîchissant. Euh, une femme qui probablement me ferait peur et c'est pour ça que j'adore. (rires de Gérard Lefort).


Gérard Lefort : Alors, Marie parlait tout à l'heure d'étape suivante pour Placebo et pour vous Brian Molko, parce que quand même les dernières paroles de la dernière chanson de l'album, vous dites je traduis : "je suis sans poids, je suis nu, je suis sans croyance, j'ai peur.


Brian Molko : Mmm


Gérard Lefort : Comment on continue quand on a fini en disant je suis sans croyance j'ai peur?


Brian Molko : Mm. pffeu. Il faut toujours continuer. J'ai toujours trouvé q dans notre musique y'a une espèce d'optimisme, d'espoir. C'est pourquoi y'a beaucoup de ce qu'on appelle le metal-sport qui sort de l'Amérique en ce moment, euh, des groupes comme Limp Bizkit, et Eminem et tout ça. C'est très très négatif, y'a aucune positivité et euh, euhm, j'espère, je sais que notre musique a touché beaucoup de personnes euhm, et que ça a eu un effet sur leur vie euhm, ça parle des émotions qui sont assez dures, assez difficiles mais quand même je pense qu'y a toujours de l'espoir et de l'optimisme dedans. Euhm. Il faut toujours continuer, il faut jamais arrêter de vouloir vivre, parce que la vie, on ne vit qu'une fois et si on fait l'effort, la vie peut être une, une chose qui peut t'apporter des, des cadeaux tous les jours. Mais cette chanson Peeping Tom


Gérard Lefort : Qui veut dire le voyeur.


Brian Molko : Le voyeur, ouais. Ca parle du voyeurisme et euh politiquement c'est intéressant parce que nous vivons dans une culture de CC-TV (Close Circuit TV Cameras). Y'a des caméras partout. Euhm et y'a maintenant des émissions de télé qui s'appelle Big Brother, je sais pas si ça c'est venu en France encore


Gérard Lefort : Non, ça existe en Allemagne.


Brian Molko : En Allemagne, en Angleterre, aux Etats-Unis, etc. où ils mettent des gens qui se connaissent pas, ils les mettent dans une grande maison et puis on les filme 24 heures sur 24. J'ai trouvé ça vraiment drôle que des gens voudraient regarder des autres gens vivre au lieu de vivre eux-mêmes. (sourire).


Gérard Lefort : En tous cas je vous remercie beaucoup Brian Molko d'être venu ce soir.


Brian Molko : Oh, merci.


Gérard Lefort : On doutait pas que vous étiez quelqu'un d'intelligent et de sympathique et de drôle, mais on voulait quand même la preuve ultime qu'on avait raison, donc on avait raison. Merci Brian Molko d'être venu.


Brian Molko : J'ai trouvé notre conversation très très stimulante. Merci. Merci à vous.


Gérard Lefort : Merci. J'rappelle le titre de votre dernier album Black Market Music qui est donc avec Brian Molko et Placebo. Euh, on peut gagner des album de placebo ce soir….


[Diffusion de Slave to the wage]


Discussion lors de la transition entre l'émission de Gérard Lefort-Marie Colmant et celle de Bernard Lenoir:


Bernard Lenoir : Bon c'est fini le fan club de Placebo là?


Marie Colmant : Très gentil.


Gérard Lefort : Ouais, c'est un choux d'amour.


Bernard Lenoir : Ah oui. Mais j'vous l'avais dit.


Gérard Lefort : Ce Brian Molko. Il a oublié d'être bête en plus.


Bernard Lenoir : Et oui.


Gérard Lefort : Il est très bien. Nous on était ravi, sous le charme. Bon, il est très très parfumé quand même, hein…


Bernard Lenoir : Ah c'est vrai?


Gérard Lefort : Ah oui.


Bernard Lenoir : Mais pas maquillé ce soir ?


Gérard Lefort : Euh. Ben il avait un p'tit fond de teint.


Marie Colmant : Oh, une petite base, euh, truc, bien quoi.


Gérard Lefort : La routine, vraiment.


Bernard Lenoir : Pas de rouge sur les lèvres ?


Gérard Lefort : Non, non. Il est très bien ce type.


Bernard Lenoir : Oui.


Gérard Lefort : Bon on vous écoute Bernard



Source: cutplacebohere